Le 22 juillet, en terre bretonne, malgré le vent et la pluie, la 62e promotion de l’école militaire interarmes (EMIA) a pris le nom de “Chef de bataillon Benoît Dupin”. Un vibrant hommage rendu à cet officier de Légion exemplaire, dont le nom a été inscrit en dernier dans la crypte à Aubagne et dont le sacrifice a marqué toute une génération de légionnaires.
La garde au drapeau du 2e REG saluée par le général d'arée Thierry Burkhard, chef d'etat-major des armées.
“La 62e promotion de l’École militaire interarmes portera le nom de chef de bataillon Benoît Dupin”. C’est sur ces mots, prononcés durant la cérémonie du Triomphe, que le général de division de Courrèges, commandant l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, baptise cette nouvelle promotion de l’EMIA. La tête haute, le visage ruisselant, les officiers de la promotion se tiennent aux côtés de la garde au drapeau du 2e Régiment étranger de génie. Dans la pénombre, “dolos” et légionnaires font face au général.
Le lieutenant Cristian Vasiliu, porte-drapeau, est un “jeune” officier à titre étranger. Il n’a pas été choisi au hasard : durant son second déploiement en Afghanistan, en 2010, il était sous-officier adjoint, sous le commandement du chef de bataillon Benoît Dupin, alors capitaine. Dans le camp de Nijrab, à quelques encablures du drame, il apprend son décès par l’un de ses amis : “Le papa est mort…” lui confie-t-il. Cette nuit-là, à l’annonce du nom de promotion, le vieux légionnaire frémit jusque dans son bras tendu, les doigts crispés autour de la hampe du drapeau.
À quelques pas de lui, l’aspirant de Nazelle, la mâchoire serrée, se remémore la vie et la mort du chef de bataillon Benoît Dupin. Il a le regard tourné vers le public, de l’autre côté de la place d’armes. Au premier rang se tiennent madame Dupin et son unique enfant. L’aspirant de Nazelle, officier tradition de la 62e promotion de l’EMIA, est à l’origine du choix de ce parrain de promotion. Immédiatement après la cérémonie, encore transi de froid, il a pris quelques minutes pour répondre à nos questions.
Interview de l’aspirant de Nazelle : Pouvez-vous vous présenter ? Après ma formation initiale au 4e Régiment étranger à Castelnaudary, j’ai commencé ma carrière à la 13e Demi-brigade de Légion étrangère comme légionnaire d’abord, puis comme sergent, toujours en compagnie de combat. Quelques années plus tard, j’ai souhaité devenir officier pour donner une nouvelle dimension à mon engagement. J’ai donc préparé et réussi le concours pour intégrer l’EMIA. Dans cette 62e promotion, chacun a son rôle : officier communication, trésorier, etc. Me concernant, je suis officier tradition. Comme son nom l’indique, mon rôle est d’être responsable des traditions de la promotion, de les transmettre à mes camarades, d’organiser les activités de tradition telles que le baptême de promotion par exemple. Comment s’est fait le choix du nom de baptême de votre promotion ? Assez rapidement après le début de notre formation, il nous est demandé de trouver un parrain de promotion. Ce doit être une personnalité militaire défunte, avec une histoire hors du commun et à laquelle les élèves de la promotion peuvent aisément s’identifier. Au sein de la promotion, plusieurs dossiers de nom de baptême ont été déposés par les élèves, sur la base du volontariat. Le choix a ensuite été soumis à un vote. J’ai personnellement proposé le nom du chef de bataillon Benoît Dupin. Étant moi-même issu de la Légion, j’ai été particulièrement touché par son histoire. Je me suis rapidement identifié à lui et à son parcours exemplaire. Le choix de ce nom de baptême a été une évidence pour moi et je suis très heureux que mes camarades de promotion aient validé ma proposition. Pourquoi le nom de chef de bataillon Benoît Dupin a-t-il remporté le suffrage selon vous ? C’est un officier auquel une majorité d’élèves peut s’identifier. Il est passé par l’ENSOA à Saint-Maixent, a servi comme sous-officier dans l’infanterie de marine avant d’intégrer l’EMIA, puis il a choisi le génie, la Légion étrangère et la spécificité montagne, autant d’éléments d’identification possibles pour chacun de nous. De plus, les témoignages des légionnaires qu’il a eus sous ses ordres et qui nous ont été transmis par le 2e REG parlent d’eux-mêmes. Particulièrement élogieux, ils nous ont permis de mieux comprendre son histoire et d’appréhender l’aura puissante qu’il dégageait autour de lui. L’un de ces témoignages vous a-t-il plus particulièrement marqué ? Oui, plusieurs d’entre eux m’ont marqué, celui-ci tout particulièrement : “Ce n’était pas son grade qui nous obligeait à le respecter, mais les qualités humaines dont il était doté […], quand nous avions un problème, il le sentait et on en parlait. À la compagnie, quand nous avons appris qu’il serait notre nouveau capitaine et que ce serait avec lui que nous partirions en Afghanistan, tout le monde était content et prêt à le suivre au combat, sans la moindre hésitation”. Qu’est-ce que ce nom de baptême implique pour la suite de votre scolarité à l’EMIA ? Nous avons désormais avec le chef de bataillon Dupin une référence en matière de style de commandement, grâce aux très grandes qualités humaines dont il disposait. C’est le plus important à nos yeux. Nous souhaitons également développer un lien fort avec le 2e REG : réaliser des exercices avec les compagnies ou participer à des challenges sportifs avec les légionnaires. Enfin, l’un de nos projets est de prendre contact avec les élèves de la promotion de l’EMIA à laquelle appartenait le chef de bataillon Benoît Dupin, en les intégrant notamment dans nos différents parcours et activités de tradition. Ils pourraient par exemple devenir nos parrains lors de notre remise de galons de sous-lieutenants. Avez-vous déjà pris contact ou créé des liens avec la famille du chef de bataillon Benoît Dupin ? Tout à fait, dès la soumission du dossier de nom de baptême, j’ai contacté sa famille. Ils ont été particulièrement émus de notre choix de parrain. Nous les avons tout naturellement invités à la cérémonie du Triomphe pour assister au baptême. Nous continuerons à entretenir ce lien, en impliquant son épouse et son enfant dans nos différents projets de tradition. C’est aussi grâce à sa famille que nous avons pu collecter divers objets remarquables afin de proposer une exposition sur le chef de bataillon Benoît Dupin, visible au musée de l’officier à l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Souhaitez-vous retrouver la Légion étrangère à l’issue de votre formation ? Oui, en effet, mon objectif serait de retourner dans le régiment qui m’a accueilli et formé à mes débuts, la 13e Demi-brigade de Légion étrangère. |
La garde au drapeau du 2e REG et la 62e promotion de L'EMIA avec le nouvel insigne de la promotion.
Biographie du chef de bataillon Benoît Dupin
Le chef de bataillon Benoît Dupin s’engage au titre de l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) à Saint-Maixent en 1997. Il est tout d’abord affecté au
2e Régiment d’infanterie de marine de 1997 à 2001 en tant que chef de groupe. Désireux de poursuivre une carrière dans le corps des officiers des armes, il prépare et réussit le concours d’entrée de l’école militaire interarmes (EMIA). À l’issue de sa formation à l’EMIA puis à l’école du génie en 2005, il est affecté au 2e Régiment étranger de génie en qualité de chef de section, où il se montre extrêmement motivé et remplit parfaitement ses objectifs.
Promu au grade de capitaine en 2008, il occupe d’abord les fonctions d’officier adjoint avant de se voir confier le commandement de la 3e compagnie de combat le 9 juin 2010.
À la tête de sa compagnie, en Afghanistan, dans le cadre de l’opération Pamir, le capitaine Benoît Dupin est mortellement touché par un engin explosif improvisé pendant une embuscade, le 17 décembre 2010. Son détachement réalisait alors une reconnaissance à l’entrée de la vallée d’Alasay, avec comme objectif la construction d’un poste avancé. Le capitaine Benoît Dupin avait 34 ans.